Tout a commencé après un an et demi de chômage. Trente-cinq ans, une maîtrise et aucune perspective d’emploi en vue. En 2013, j’ai entrepris de réaliser une promesse que je m’étais faite après avoir obtenu mon diplôme en sciences politiques : travailler pour une organisation internationale quelque part au loin et faire quelque chose de bien avec ma vie.
Eh bien, la vie en a voulu autrement. J’étais à la recherche d’un travail depuis trop longtemps et j’étais sur le point de jeter l’éponge. Afin de payer les factures, j’ai pris un emploi dans un restaurant local d’aliments naturels qui cherchait à se franchiser. Ce n’était pas à ce quoi j’aspirais, mais le temps commençait à manquer pour que je passe à l’action.
C’est là que j’ai découvert Fatso. C’était l’un des produits offerts au restaurant. Les clients en raffolaient. Fatso est un beurre d’arachides enrichi de bons gras, comme l’huile TCM et l’huile de noix de coco, de graines de chia et de lin. Tout simplement exquis, il se vendait comme des petits pains chauds! Le nom était brillant et la formulation, solide, mais ses propriétaires ne lui rendaient pas justice.
Un jour, un détaillant qui savait à quel point j’aimais la marque, m’a appelée pour me dire que la compagnie était en faillite. J’avais là une occasion unique de la sauver. J’ai acheté l’entreprise (ou du moins la recette, les matières, la liste des fournisseurs et le nom) pour le prix d’une voiture d’occasion. Ainsi est née la marque Fatso dans sa formule actuelle. Ainsi a débuté le parcours difficile de relance de la marque.
Je serai honnête avec vous. Je n’avais aucune idée de ce que je faisais. Je n’avais aucune expérience du monde des affaires, ni du beurre d’arachides d’ailleurs. Tout ce que je savais, c’est que ce produit avait du potentiel et que je devais en tirer parti. Heureusement, j’avais une solide expérience en recherche grâce à mon diplôme d’études supérieures. Alors, je me suis plongée dans l’apprentissage de ce qu’il fallait faire pour lancer une entreprise, en commençant par une recherche Google avec les mots « comment démarrer une entreprise ».
Tout d’abord, il y a eu les détails administratifs : la licence commerciale, les assurances, la marque de commerce et la constitution de l’entreprise. Puis sont venues les choses plus divertissantes : reformuler la recette pour adapter sa faisabilité avec l’aide d’une nutritionniste, recruter un co-emballeur (le conditionnement du beurre d’arachides n’est pas qu’une mince affaire, croyez-moi), reconstruire les relations de vente au détail, relancer la présence dans les médias sociaux et lancer un site Web nouveau et amélioré.
Les deux premières années, j’ai vécu les hauts et les bas (beaucoup de bas!) de la gestion de l’entreprise. J’ai fait des démonstrations partout où je pouvais toutes les fins de semaine, les deux jours, pendant deux ans. J’étais convaincue que si les gens goûtaient à mon beurre d’arachides, ils l’achèteraient. J’avais raison. Les ventes ont commencé à progresser et des détaillants plus importants ont commencé à offrir le produit dans leur magasin. Avant que je m’en rende compte, j’avais une entreprise viable et croissante. En rétrospective, je savais que j’avais pris la bonne décision.
Aujourd’hui, Fatso est une marque nationale, en croissance continue. Nous sommes dans des magasins partout au pays, dont Whole Foods, Sobeys et Loblaws. Nous avons maintenant deux lignes de beurre de noix : trois beurres d’arachides et trois beurres d’amande et de graines. Ce fut cinq années incroyables. Il y a encore beaucoup à faire au Canada, mais le moment est venu de nous lancer à la quête d’un nouveau marché : les États-Unis.
Pour une marque comme la mienne, le marché américain est terriblement tentant, considérant ses énormes opportunités et enjeux. À lui seul, l’État de la Californie équivaut à l’ensemble du marché canadien. L’appât de l’argent à faire au sud de la frontière est vraiment ce qui incite les marques à s’y aventurer. Des marques fructueuses comme RX Bar, Smart Sweets et Skinny Pop ont réussi à s’y imposer, enregistrant des recettes qui se chiffrent en centaines de millions. Tout ce que ça prend, c’est une croissance fulgurante, un succès inimaginable et l’absence de faux pas, n’est-ce pas? Si cela marche au Canada, cela va marcher aux États-Unis. Euh! pas tout à fait…
La taille même du marché américain est un problème en soi. Les demandes de la chaîne d’approvisionnement peuvent être paralysantes. Les retards de paiement sur de grosses commandes peuvent vous acculer à la faillite. Un seul faux pas, comme le rappel d’un ingrédient ou un problème d’emballage, peut vous placer sur une liste noire. Les Canadiens persistent à voir le marché américain comme le marché canadien, juste plus gros. C’est la première erreur. La côte nord-ouest du Pacifique, c’est comme un autre pays par rapport au Texas. La Californie ne se compare en rien à la Pennsylvanie, à l’Illinois ou à l’Idaho. Chaque région doit être abordée avec un regard unique et une compréhension de ce qui va marcher et de ce qui ne va pas marcher. La marque Fatso y est-elle parvenue? Honnêtement, cela reste à voir. Ce que l’on sait, par contre, c’est que nous ne pouvons pas superposer notre canadianité à un marché comme le Texas, parce que cela sera inefficace.
Cependant, quand on arrive à pénétrer aux États-Unis et à bien le faire, avec l’ambition d’une croissance durable, il n’y a pas de limite aux gains possibles. Développer sa marque sur l’un des plus grands marchés de consommation de la planète offre l’opportunité de réaliser pleinement le potentiel de la marque sur le plan de la croissance des revenus, bien sûr, mais aussi du développement de nouveaux produits, de collaborations inappréciables et de nouveaux canaux de vente.
Pour les marques canadiennes et pour les marques de partout dans le monde qui placent tous leurs jetons sur le tapis, le marché des États-Unis présente une opportunité unique de gagner une place sur les tablettes. Il est le moteur des tendances, des demandes et des perspectives des consommateurs. Il est continuellement sous la loupe, particulièrement dans le domaine des biens de consommation courante en alimentation, pour déceler ce que sera la prochaine grande innovation et ce qui façonnera l’avenir. C’est ce qui incite les marques ambitieuses à tester leurs capacités sur un marché aussi risqué. Une fois qu’on a percé aux États-Unis, la tâche est pour ainsi dire accomplie. Le gain est énorme et le potentiel, réel. Le sentiment « d’avoir réussi » se trouve sur les tablettes aux États-Unis.
Alors, quelle est la prochaine étape pour Fatso? Nous faisons partie des ambitieux, des audacieux, des preneurs de risques. Cependant, nous sommes aussi parfaitement conscients qu’il nous faut avoir une approche durable. Fatso a commencé là où nous nous sentions comme chez nous : sur la côte nord-ouest du Pacifique. Notre marque étant établie en Colombie-Britannique, nous comprenons ce marché; c’est comme notre monde! À bien des égards, nous comprenons mieux le consommateur de Seattle et de Portland que celui de Toronto. Notre stratégie est de commencer sur la côte ouest et de nous étendre à partir de là. Le marché californien fait rêver, c’est sûr, mais nous visons à croître de la manière la plus durable possible.
Nous avons toujours cru dans le principe d’un pouce de largeur mais un mille de profondeur, c’est-à-dire saturer chaque marché avant de passer au suivant. En théorie, nous pouvons essayer d’appliquer ce principe. Or le marché américain, c’est un peu comme un tour de montagnes russes. Une minute, on est dans Whole Foods dans l’État de Washington et la minute d’après, on est offert dans des magasins au Texas. Il peut être difficile de tirer sur les rênes.
Nous croyons que la marque Fatso est prête pour une expansion américaine et que le marché américain est prêt pour elle. Au cours des trois prochaines années, nous espérons amener notre marque sur la côte ouest et dans certaines parties du Midwest. Je ne sais pas si cela va nous ouvrir de grands débouchés ou si nous allons simplement poursuivre notre croissance comme une marque de style de vie. Ce que je sais, par contre, c’est que le parcours sera passionnant, tant prévu qu’imprévu. Il y aura des faux pas, mais aussi de grandes victoires. La seule façon de prendre la température de l’eau est d’y tremper le gros orteil.
À propos de l’autrice
Jill Van Gyn a fondé Fatso en 2016. Elle a géré l’entreprise seule pendant deux ans avant de s’entourer d’une équipe en 2018. Aujourd’hui, Fatso est une marque canadienne reconnue à l’échelle nationale qui s’est développée aux États-Unis par la vente au détail dans les magasins et le commerce électronique. En 2020, Fatso a figuré au palmarès des 500 entreprises en croissance rapide Maclean’s et Canadian Business Growth 500. En 2021, Jill a remporté un prix entrepreneure de l’année de BCBusiness. Elle dirige son entreprise depuis la ferme familiale dans la vallée de Blenkinsop où elle vit avec son mari, Chris, et son fils de deux ans, Remy. Une ardente défenseure de diverses questions de justice sociale, elle a pour objectif d’utiliser son entreprise comme une plate-forme de changement.
Apprenez-en plus sur Jill Van Gyn à EatFatso.com ou sur Instagram @eatfatso